1. La méthodologie de recherche pour cette exposition : les récits de vie
Nous nous sommes interrogées sur ce que nous cherchions à savoir et à montrer à travers cette exposition. La femme est au cœur du projet et nous sommes par ailleurs une association qui développe les échanges culturels avec le Bénin.
« Femmes » et « Diversité des cultures » sont donc des éléments « clés » qui vont se croiser.
« Tout récit recouvre deux registres de données : des événements et des significations.
Le récit de vie participe à deux réalités, l’une objective et l’autre subjective. La première renvoie à une réalité historique, à travers les événements de l’histoire vécue, la seconde à l’expression du vécu de cette histoire. Cette double dimension constitutive du discours narratif en fait un matériau sociologique particulièrement fécond pour “donner à voir à la fois un univers de sens et un univers de vie, un point de vue sur le monde et des formes concrètes d’appartenance au monde” (Schwartz et al.). » […]
Le récit de vie présente un avantage par rapport à d’autres approches, c’est celui de relier et d’associer des éléments de vie d’un individu. En d’autres termes, prendre en compte l’interaction de la vie privée, religieuse, scolaire, …et ainsi comprendre comment les différents aspects de la vie interagissent les uns sur les autres »
D’après https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2008-
Les figures du sujet dans le récit de vie En sociologie et en formation Roselyne Orofiamma
« Femmes » nous renvoie aux notions de socialisation de la petite fille, femme « pour soi » (féminité, désir de plaire, parure, loisirs etc.…), femme dans le foyer (maternité, tâches domestiques, éducation des enfants), femme active (secteur formel ou informel), femme citoyenne etc.
« Diversité des cultures » nous renvoie aux notions d’éducation, représentations sociales, poids de la religion, rapport au féminisme et au désir d’émancipation.
Nos questions larges pour enregistrer les récits de vie porteront sur :
– les éléments biographiques et familiaux (état civil, situation des parents, grands-parents)
– les événements personnels qui ont marqué la vie (approche chronologique)
– les activités professionnelles, familiales, (citoyennes le cas échéant) actuelles
– un commentaire personnel sur la situation de la femme au Bénin
2. Glanage d’informations : en l’état actuel des recherches un résumé de différents articles du journal Le Monde
Le cas des lycéennes footballeuses
La situation de départ : selon une étude du ministère béninois du plan et du développement, en 2017-2018, 20% des adolescentes de 15-19 ans, soit une sur cinq avait déjà été ou était enceinte d’un premier enfant. Le chiffre monte à 31% dans l’Atacora. Cette situation est liée à la représentation de la femme dans la société (une fille est destinée à être mère tôt car la vie est considérée comme trop courte) et à l’absence d’éducation sexuelle.
L’article de juillet 2019 montre une initiative pour lutter contre cette situation (programme Impact’Elle lancé par l’ONG Plan International en 2017). Cette initiative s’appuie sur le sport et des séances de sensibilisation des filles contre les stéréotypes. L’exemple de l’équipe de football des Gazelles de Gouandé illustre cette démarche. Ce village se situe dans l’Atacora, au nord du Bénin. Cette équipe est l’une des quinze équipes féminines de football du pays. Ainsi Virginie, 22 ans et membre très active des Gazelles, compte parmi les rares filles du village à avoir obtenu son bac et à suivre un cursus universitaire en ville alors que 15% seulement des élèves du lycée de la ville sont des filles.
Le racolage par Smartphones des lycéennes et étudiantes
63,5 % des Béninois vivent dans l’extrême pauvreté, d’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le revenu mensuel moyen par habitant s’élevait en 2016, selon la Banque mondiale, à 60 euros. Dans un contexte de crise économique aggravant ces chiffres sont à mettre en relation avec le racolage et la prostitution des étudiantes et des jeunes femmes. Selon un article de juillet 2017 WhatsApp, Viber, Facebook servent aux proxénètes pour recruter et exploiter des étudiantes, poussées par la crise économique à se prostituer sur les réseaux sociaux. Ce phénomène s’amplifie depuis que le gouvernement Talon a mis en place une opération de « déguerpissement » des espaces publics de Cotonou où travaillaient les prostituées. Tout en prenant d’autres formes la prostitution augmente et met en concurrence les femmes. Par exemple Aïcha, bachelière a décidé de se prostituer loin de sa ville et au début, pour un week-end avec un client, elle pouvait réclamer entre 35 000 et 50 000 francs CFA (entre 53 et 76 euros) par jour en dehors des frais de déplacement. Aujourd’hui elle se retrouve parfois avec 10 000 francs CFA (15,20 euros).
Mylène Flicka une blogueuse engagée
Cette jeune béninoise de 21 ans en 2017, dont le pseudonyme est Mylène Flicka (en référence au livre Mon amie Flicka, qui raconte l’histoire d’une jument rebelle,) a décidé de promouvoir les jeunes talents d’Afrique et de défendre les femmes. Elle a commencé son blog en 2015 pour s’opposer à l’homme politique béninois Edgard Guidigbi, « ce fils de femme » qui avait écrit sur Facebook être « hostile au travail salarié des femmes ». La progression de son audience va coïncider avec l’émergence d’un mouvement, présent surtout sur les réseaux sociaux, comprenant de jeunes entrepreneurs, des blogueurs et militants du web qui décident de faire quelque chose par eux-mêmes pour améliorer la vie dans leur pays.
Au Bénin, l’éducation à la sexualité devrait concerner l’école
Mariages forcés, grossesses précoces et rapprochées, avortements dissimulés : en Afrique de l’Ouest, l’entrée dans la sexualité est, pour beaucoup de jeunes filles, chaotique au mieux, mortelle au pire. Au Bénin 8 % des filles sont mariées avant l’âge de 15 ans. Cet article de 2016 relate une étude financée par l’AFD (équipe du professeur Yannick Jaffré) qui porte sur trois collèges des départements de l’Atlantique et du Littoral. Il ressort de ces travaux que les adolescents sont physiquement « mûrs », mais socialement immatures, ils perçoivent leur sexualité (influencée par des scripts mondialisés) comme un jeu corporel distinct des relations affectives « adultes » régies par des conduites respectueuses et des engagements familiaux et sociaux, selon les normes sociales locales. Le sexe apparaît également comme une « monnaie d’échange » dans le système scolaire pour des bonnes notes et le passage en classe supérieure. Lorsque les jeunes filles se retrouvent enceintes elles sont renvoyées, condamnées par les familles, abandonnées par les partenaires. Une formation des enseignants s’impose pour faire valoir une posture éthique et vaincre le pouvoir sexuel des enseignants sur les jeunes filles.
Odile, un exemple de mariage forcé
Au Bénin une fille sur dix est mariée avant l’âge de 15 ans, et trois filles sur dix avant 18 ans, selon une étude du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) parue en 2015. Le mariage des enfants, forcé ou non, est défini comme l’union, informelle ou légale, religieuse ou coutumière, de toute personne de moins de 18 ans. Les filles sont mariées de force par leurs parents ou tuteurs, avant même d’être physiquement ou émotionnellement matures, pour devenir des épouses et des mères. Par exemple Odile, 13 ans, qui vit au bord du lac Nokoué, a été vendue comme quatrième épouse d’un homme de 50 ans contre 2 bouteilles de liqueur et 5000 franc CFA. Ces mariages s’expliquent par deux motifs : motif coutumier (les parents marient leurs filles par tradition et pour préserver les liens d’amitié entre les familles), motif économique (extrême pauvreté des ménages constitués de familles nombreuses). En milieu rural pauvre 80% des filles ne terminent pas l’école primaire. En décembre 2015, le Bénin a promulgué la loi sur le Code de l’enfant qui punit les parents qui marient leurs enfants avant 18 ans mais les pratiques clandestines persistent.
Les violences faites aux femmes lors de l’accouchement en milieu sanitaire
Cet article de 2019 fait référence aux travaux de Jean-Paul Dossou du CERRHUD (Centre de recherche en reproduction humaine et en démographie) de Cotonou. Il s’appuie sur des observations dans quinze centres de santé au cours des 25 dernières années.
Au Bénin il y a 397 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes selon les chiffres de 2017, le risque inhérent à la grossesse et à l’accouchement imprègne profondément les mentalités. Il faut bien se rendre compte qu’il est près de cent cinquante fois plus probable pour une femme à partir de l’âge de 15 ans de mourir à cause d’une grossesse ou lors de l’accouchement au Bénin qu’en France. La femme s’abandonne donc au soignant. Du point de vue culturel et symbolique, le rapport entre les soignants et les soignées est très déséquilibré. C’est dans ce déséquilibre que s’installe la violence (violences obstétricales, maltraitances, irrespect…). L’aspect financier en l’absence de protection sociale est une autre forme de violence. Selon Jean-Paul Dossou: « Payer avant d’accoucher est la première violence faite aux femmes ». Le gouvernement béninois a commencé à mettre en place à partir de 2017 une série d’actions pour moraliser les pratiques de soins.
Synthèse réalisée par Anne et Marie-José
Actualités Bénin 08/03/2021